Des contes en partage

Échanges et correspondances entre écoles de France, de Madagascar et d'ailleurs, autour des contes traditionnels

lundi 27 janvier 2014

Lettre des élèves d'Andovoranto à ceux de Saint Pierre sur Dives

Bonjour à vous les Normands, depuis Andovoranto !

Nous allons d'abord vous parler de notre village.
Andovoranto est un joli village situé sur une langue de terre entre l'Océan indien d'un côté (grosses vagues et arrivée de cyclones) et le canal des Pangalanes de l'autre (eau douce et calme, sur laquelle on voyage en pirogue). Le canal fait plus de 600 kilomètres, il permet de rejoindre Brickaville, la ville la plus proche, en trois heures de navigation sur le fleuve Rianila.
Autrefois les crocodiles étaient nombreux dans le canal, mais il n'y en a presque plus maintenant. Par contre il y a toujours des requins dans l'Océan indien.
Andovoranto était le grand port de la côte Est avant la création du port de Tamatave. C'est de là que partaient les marchandises et aussi les esclaves au temps de la traite. C'est eux qui ont donné le premier nom du village (Andevoranto), mais maintenant l'esclavage n'existe plus et on préfère appeler notre commune Andovoranto. De cette époque, il reste un grand cimetière où on peut trouver beaucoup de nationalités, et notamment beaucoup de sépultures chinoises.
On apprend à naviguer dès qu'on peut se débrouiller

Ici on cultive surtout du riz, du manioc, du maïs, des haricots, et on élève des animaux comme les zébus, les volailles et les porcs.
Il y a des pêcheurs (avec canne à pêche, nasses et avec filets) qui pêchent soit dans le canal, soit dans la mer.
 


Georginal rassemble le filet après l'avoir traîné dans le lac

Il y a peu de touristes à Andovoranto. Pour venir en voiture, il faut passer le bac à Andavakimena, puis traverser une forêt qui est préservée car elle appartient à un colonel qui en a fait une réserve.
Il y a juste un écolodge avec quatre bungalows, Les cocotiers, qui a été créé pour les villageois et qui est géré par eux. Il n'y a pas de gargote, les gens cuisinent ce qu'ils pêchent.

 Notre école


C'est une école publique, à droite de la piste, avec 5 classes. Les enfants ont de 5 à 15 ans. On mange à la maison, il n'y a pas de cantine. Les bâtiments ont été très endommagés par le cyclone Giovanna en 2012, certains ont du être reconstruits.
Il y a 378 élèves en tout, et environ 2000 habitants sur la commune. Cette année, nous étions 34 élèves de CM1 avec Maîtresse Caroline et 21 élèves de CM2 avec M. Eugène. L'école n'est pas gratuite : nous payons un écolage qui sert à payer les professeurs.




La journée

On commence la classe à 8h00.
En arrivant le lundi, on se met en rang pour le lever du drapeau (on se relaie pour le monter) et on chante l'hymne national. On rentre en classe.

On dit bonjour au professeur, on inscrit au tableau la date du jour, en français. Les matières : Malagasy (malgache), français, mathématiques, sciences, histoire et géographie. Les cours d'histoire et de malagasy sont en malgache, les autres cours sont en malgache à l'oral et en français à l'écrit.
Après l'école, on aide les parents : vaisselle (filles et garçons), corvée de bois, puiser de l'eau dans les puits, pêche au filet, aide aux rizières. On aime se baigner et conduire une pirogue.




Cent sous de sagesse



 Sophie et Zoé sont venues en juillet dernier pour faire avec nous le livre Mivanga fanahy (Cent sous de sagesse).
Pour commencer, chacun a raconté les histoires qu'il connaît.

Comme les élèves de l'île Sainte-Marie avaient choisi Cent sous de sagesse, on a bien expliqué cette histoire, et on a découpé le récit en douze images.
Ensuite on a dessiné les personnages avec l'aide de Sophie. On a utilisé des boites en carton, des stylos, des crayons de couleur et de la peinture à l'eau.



Noël
Pour Noël, on est allés au temple (majorité d’anglicans) ou à l'église. Là-bas, on a eu des bonbons, on a fait la fête en dansant, on a lu la Bible.
On a reçu les livres le lendemain de Noël. On a d'abord découvert notre livre, Cent sous de sagesse, avec notre photo dedans. Ensuite on a lu l'histoire de L'origine du Mont-Saint-Michel tous ensemble, et Sophie et Johary nous ont présenté le Mont-Saint-Michel. On a regardé les photos que vous avez envoyées, de Saint-Pierre-sur-Dives, et on a répondu à vos questions. Voici nos réponses et nos questions à la suite de cette lettre.
Pour finir, on a dansé pour nos invités et on a dit « Merci beaucoup » en rébus mimé (Mer-Scie-Beau-Coup!). On leur a serré la main pour leur dire au revoir et on est rentrés chez nous avec les livres, car c'est encore les vacances ici.



Nos réponses :

A Baptiste et Yanis : On va bien et on aime aller à l'école. C'est parfois difficile pour trouver de l'argent, il faut pêcher, cultiver du riz et élever des zébus ou des cochons. On mange à notre faim mais il manque du riz.

A Salomé, Manon et Pauline : On mange surtout du riz. On a entre 8 et 13 ans. On a des zébus, des cochons, des poules, des oies, des dindons, des canards, des chiens, des chats, des mainates qu'on fait parler et des pigeons qu'on mange. Les couleurs préférées : surtout bleu, rose, jaune et chocolat.
Les filles s'habillent en robe, jupe, simbo (pagne) quand il fait très chaud.
Les garçons se mettent en short et tee-shirt mais pour Noël, Sylvano et Rolly étaient en costard. 



A Chloé et Anastasia : Chaque année il y a un à trois cyclones pendant la saison cyclonique (de décembre à mars). La semaine dernière, il y a eu un accident car la pluie est tombée très fort, le fleuve Rianila était très agité, et les 6 passagers d'une pirogue sont tombés à l'eau, 3 sont morts (dont un père et son bébé de trois mois).
On se déplace surtout en pirogue. Un seul élève a une automobile chez lui, trois ont une moto, cinq ont une bicyclette. Douze élèves sont enfants de pêcheurs et se déplacent en pirogue sur le canal et le fleuve, un peu moins sur la mer.
Habituellement on mange peu de viande, plutôt du poisson.





 Quand on fait un grand trajet, les dangers sont : montée des eaux, cyclone, vent, foudre, et aussi crocodiles aux embouchures.
Pour Noël, on chante à l'église, on fait du théâtre (crèche vivante), des récitations, on reçoit des bonbons.

A Bryan et Benoît :
Chez nous il fait souvent beau, il pleut seulement à la saison cyclonique et on n'a jamais vu la neige. On aime vivre à Andovoranto car il y a la mer et c'est la Terre de nos ancêtres. On se baigne dans la mer et dans le canal.

A Simon et Nolan :
Andovoranto est dans la région Est de Madagascar, district de Brickaville, sur le canal des Pangalanes, à la sortie du fleuve Rianila. Il y a quelques télévisions dans le village (qui fonctionnent avec des groupes électrogènes car on n'a pas l'électricité sinon). Il y a eu un ordinateur à l'école mais il est cassé depuis longtemps.
 
A Paul et Baptiste :
On s'appelle par téléphone (rires). Nous sommes des Betsimisaraka (Les nombreux qui ne se séparent pas).

A Aurélien et Anthony :
Il fait toujours beau chez nous et on n'a pas envie d'aller à l'école. La plupart de nos maisons sont faites en bois et en ravenale (arbre du voyageur). Il y a aussi des maisons en brique ou en pierre, avec des toits de
tôle.
 
A Mariana et Heïdi :
Ce qui nous a plu dans l'histoire du Mont-St-Michel, c'est qu'on a gagné contre la sorcière (Louis Nirina Arsène).
Dans Cent sous de sagesse, on aime quand ils vont voir le vieux, que la mère achète des sagesses et qu'il ne faut pas dormir sur une île (Rolly).

Pour dire merci, on dit Misaotra ! Pour dire au revoir : Veloma !
On habite soit à Andovoranto soit à Morafeno (village dans la forêt à 7 km d'ici) Cette année en CM2, on est 36 élèves. On connaît Sophie parce qu'elle est venue ici.

A Pierre et Mattéo :
On mange du riz, du manioc, du maïs, des patates douces, des pommes de terre, du poisson.
Tout le monde ne va pas à l'école. N'y vont pas ceux qui n'ont pas d'argent et ceux qui sont paresseux.
On fête les anniversaires. Pour Rolinah, on tue un poulet, pour Emilison, on achète un gâteau, pour Rolly on achète de la viande au marché.
A la radio, on écoute les nouvelles et les histoires (Francisco), la musique (Rolinah), les émissions d'hygiène (Louisya).
Après l'école, on brosse le plancher (Rolinah), on fait cuire le riz (Robson), on lave le linge (Sylvano), on fait fumer les poissons (Mathilde), on nourrit les cochons (Emilison), on aide pour piler le riz (Angelika), on fait la vaisselle (Dorine, Julie), on va chercher de l'eau au puits (Louisya), on garde les zébus (Arsène), on nettoie la cour (Yvonne). 26 élèves de l'école viennent de loin (7 à 10 km), les autres habitent plus près.
 
A Louna et Glays
Ici pour dire bonjour, on dit souvent Lahaly e ! (Salut!)





Nos questions :

Senda : Bonjour ! Est-ce que vous savez parler malgache ? Est-ce que ça va ?
Arsène : Vous êtes combien dans une classe ?
Rolinah : C'est comment la vie chez vous ? C'est bien ?
Augustin : Est-ce qu'il y a des cyclones chez vous ? Des inondations ?
Thorine : Est-ce qu'il y a des voleurs chez vous ?
Mathilde : Est-ce qu'il y a des sorcières chez vous ?
Emilison : Est-ce qu'il y a des crocodiles dans la Dives (Emilison a déjà pris un bébé crocodile dans sa nasse) ? Comment s'appelle votre chef d’État ? Est-ce qu'il y a la neige ?
Est-ce qu'il y a des cultivateurs ? Des fermiers ? Qu'est-ce que vous élevez comme animaux ?
Est-ce que vous pêchez avec des filets ? Avec des nasses ? Est-ce que vous avez des pirogues ?
Est-ce que vous avez des zébus ? Des boeufs ? Est-ce qu'il y a des bouchers ?
Est-ce que les études vont bien ? Vous êtes en bonne santé ? Qu'est-ce que vous faites après l'école ? Vous aidez vos parents ? Vous travaillez ?
Est-ce que vous pouvez nous aider pour les fournitures scolaires (cahiers, stylos) ? l’État donne mais pas assez.
Est-ce que vous allez venir nous visiter ?
Nous on joue au foot, à pêcher, on joue à la dînette et aux poupées, on raconte des histoires avec des petits cailloux. Et vous ?
Est-ce qu'il y a un port chez vous ? Vous avez des filets ? Vous avez un terrain de foot ?
Que faites vous comme artisanat ? Est-ce qu'il y a des menuisiers ? De quoi sont faites vos maisons ?
Est-ce qu'il y a des puces chez vous ? (A Andovoranto, il y en a).
Nous n'avons pas de photo de classe mais vous avez pu nous voir dans le livre. Nous allons donc nous présenter dans un trombinoscope ci-joint.
Comme nous étions très nombreux à participer, vous ne verrez que ceux d'entre-nous qui ont raconté une histoire.

Pour finir, voici quelques images de notre quotidien à Andovoranto.
Merci d'avoir bien voulu partager une histoire de chez vous avec nous, et à la prochaine fois... 

Bonne année 2014 ! Veloma !